Dynamique des populations

6.  LES VOIES PRIVILÉGIÉES DE DÉPLACEMENT

Les acridiens ne volent jamais sur un front homogène pour passer d'une zone écologique à une autre zone plus propice. Les locustes, en phase grégaire comme en phase solitaire et les sauteriaux, en forte densité ou à l'état isolé, volent fréquemment sur des itinéraires particuliers, appelés voies privilégiées de déplacement.

Lorsqu'ils sont bien identifiés, ces itinéraires correspondent au sol à des formations orographiques liées au relief, hydrographiques ou végétales particulières et, à l'altitude de vol des ailés, à un écoulement de l'air unidirectionnel.

Les voies orographiques sont observées en général le long de dénivellations importantes. Des alignements de vallées parallèles séparées par des crêtes élevées, des fronts de falaise, des bordures de massifs montagneux, forment des couloirs de drainage.

Les voies hydrographiques sont formées par les vallées des cours d'eau temporaires (oueds) ou permanents (rivières, fleuves). On a pu constater que beaucoup d'acridiens suivent par exemple la vallée du Nil dans leurs déplacements saisonniers, là où le relief du sol devient trop faible pour agir sur l'écoulement de l'air.

En absence d'autres éléments directionnels, les axes de défrichement maximum de végétation sont préférentiellement empruntés par les ailés du Criquet migrateur Locusta migratoria capito dans le Sud-Ouest malgache. Ces voies facilitent le transport des ailés de l'intérieur des terres vers la côte en début de saison des pluies et en sens inverse à l'entrée de la saison sèche. Les différentes voies forment un réseau complexe avec des interconnections appelées carrefours, lieux où les criquets peuvent prendre des directions finales très différentes en fonction de légers écarts de direction des vents. Les voies de déplacement sont séparées les unes des autres par des zones de moindre passage où se trouvent des obstacles : massifs montagneux, grandes étendues d'eau, forêts denses.

Le fonctionnement de ces voies est inversé par une modification du système des vents dominants en fin de saison des pluies. Les ailés se dirigent alors vers le Nord-Est et les populations se trouvent diluées sur plusieurs millions d'hectares à l'intérieur des terres.

Le déplacement préférentiel des criquets le long de ces axes privilégiés s'explique dans le cas des voies orographiques et hydrographiques par l'existence de brises de vallée, développées aux heures de vol de la plupart des acridiens. Dans le cas des voies liées au défrichement, il y a un effet thermique sur l'écoulement de l'air. Le criquet peut aussi avoir une réaction optomotrice, tendance qui est de suivre la limite entre des bandes blanches des zones défrichées et des bandes sombres du couvert forestier.

Des densités considérables d'ailés peuvent se trouver rassemblées au point d'aboutissement de ces itinéraires. De plus, ces voies privilégiées maintiennent la cohésion des grégaires et accroissent les chances de pullulation et de grégarisation des locustes. Elles ont donc des conséquences importantes sur la dynamique des populations migrantes d'acridiens.