Écologie

11.  L'ACTION DES ENNEMIS NATURELS

Les acridiens ont de nombreux ennemis naturels à chacun de leurs états biologiques. On distingue trois grandes catégories : les prédateurs, les parasites et les maladies.

Un parasite est un organisme vivant, animal ou végétal, qui s'alimente aux dépens de l'hôte, souvent de l'intérieur, sans entraîner sa mort à court terme. Un prédateur, au contraire, provoque la mort immédiate de l'hôte car il s'en nourrit de l'extérieur. Il se distingue du déprédateur qui détruit les organismes sans les consommer. L'homme, le bétail, peuvent être considérés comme des déprédateurs. Quant aux agents pathogènes, il s'agit principalement de protozoaires, de champignons et de bactéries.

Femelle de Stomorhina lunata pondant dans une oothèque de Schistocerca gregaria (modifié d'après G. JANNONE, 1947).

Stomorhina lunata (Diptère, Calliphoridae) est un prédateur très répandu des œufs de Schistocerca gregaria, de Nomadacris septemfasciata, de Locusta migratoria et de Locustana pardalina (le Criquet brun).

Les œufs de Stomorhina sont déposés dans le bouchon de matière spumeuse de l'oothèque. À l'éclosion, les jeunes larves du prédateur migrent vers le bas en direction des œufs de Schistocerca. Ces larves rompent la paroi de l'œuf de l'acridien et s'en nourrissent. Très fréquemment, la majorité des œufs de Schistocerca sont détruits par déprédation et l'ensemble de la ponte est ensuite infecté par les champignons et les bactéries .

msp : bouchon de matière spumeuse, osc : œufs de Schistocerca gregaria, or : orifice du trou de ponte de l'acridien, osl : œufs de Stomorhina lunata, s : surface du sol.

Les ennemis majeurs des œufs appartiennent à divers taxons :

Prédateurs Nématodes
Acariens Trombididae (Eutrombidium)
Insectes Coléoptères Cleridae, Trogidae
Meloidae (Mylabris, Trichodes)
Carabidae
Diptères Bombylidae (Bombilius, Systoechus)
Asilidae
Calliphoridae (Stomorhina)
Parasites Insectes Hyménoptères Scelionidae (Scelio, Lepidoscelio)
Chalcidoidae

Les ennemis mineurs des œufs, chroniques ou accidentels, sont nombreux. On peut citer des oiseaux, des larves de Coléoptères (Trox suberosus), les fourmis qui déterrent les œufs pour s'en nourrir.

Quelques Coléoptères prédateurs des œufs d'acridiens.

A : Mylabris variabilis (Meloidae) (d'après G. PAOLI, 1937 b).
1 : chrysalide, 2 : adulte.

B : Trox procerus (Scarabaeoidea, Trogidae) (d'après J. ROFFEY, 1958).
1 : adulte, 2 : larve de 3e stade en vue latérale.

C : Epicauta maculata adulte (Meloidae) (d'après G.I. GILBERTSON & W.R. HORSFALL, 1940).

D : Trichodes amnios cyprius (Cleridae) (d'après L.F.H. MERTON, 1959).
1 : femelle adulte avec la patte postérieure droite d'un mâle, : 4e stade larvaire.

E : Chlaenius transversalis adulte (Carabidae) (d'après D.J. GREATHEAD, 1963).

Un exemple de type du cycle d'un parasite des œufs d'acridiens est connu avec les Scelionidae. La femelle ovigère s'accroche aux membranes intersegmentaires du corps d'une femelle d'acridien qu'elle accompagne jusqu'à la ponte. Le parasite pond dans les œufs de l'hôte. Les développements embryonnaire puis larvaire du parasite se passent dans l'oothèque du criquet.

Les insectes prédateurs des œufs pondent en général près d'une oothèque (Systoechus, Mylabris, Trox) ou dans le bouchon spumeux. Dans le premier cas, la larve pénètre dans la masse ovigère ; dans le second, elle est directement en place pour consommer les œufs. Lorsque l'oothèque est détruite plus ou moins complètement, les larves parasites sortent, effectuent leur pupaison et émergent à l'état ailé.

Le choix par le prédateur de l'acridien-hôte dépend plus de la taille des œufs et de la dureté de leur chorion que de l'identité taxonomique de la victime.

Parmi les parasites des larves et des ailés, les plus actifs sont des nématodes et des mouches :

Nématodes Mermethidae Agamermis
Mermis
Diptères Nemestrinidae Neorhynchocephalus
Symmictus
Calliphoridae Sarcophaga
Blaesoxipha
Tachinidae Schistocercophaga
Tachina
Ceracia
Muscidae Acridomyia

Les prédateurs importants sont les oiseaux et certains insectes surtout en cas de fortes concentrations :

Oiseaux Cigogne
Milan
Faucon
Aigle
Hyménoptères Sphegidae Sphex
Tachysphex
Diptères Asilidae Asilide

Les ennemis moins importants sont les lézards, les araignées, les rongeurs, les mantes, les sauterelles (Tettigonioidae), les Coléoptères.

Quelques parasites et prédateurs des œufs d'acridiens.

Parasites :
A : Scelio fulgidus (Hymenoptera, Proctotrupoidea, Scelionidae) (d'après N.S. NOBLE, 1935).
1 : adulte, 2 : larve de 1er stade en vue latérale.

Prédateurs :
B : Scylaticus sp. (Diptera, Asilidae) (d'après D.J. GREATHEAD, 1963), adulte femelle.
C : Callostoma fascipennis palaestinae (Diptera, Bombyliidae) (d'après AUSTEN, 1937 in D.J. GREATHEAD, 1963), adulte mâle.
D : Systoechus somali (Diptera, Bombyliidae) (d'après D.J. GREATHEAD, 1958a), larve de 3e stade en vue latérale.

Les parasites des larves ou des ailés pondent à proximité de l'hôte (Nemestrinidae), sur l'hôte en vol ou à terre (Calliphoridae). Les larves pénètrent dans le corps du criquet par les pleures, l'abdomen, le thorax et se développent dans la cavité générale. Le parasite sort en perçant une membrane inter-segmentaire au niveau du cou, de l'abdomen, des pattes de son hôte, puis effectue une pupaison sous terre. Il émerge à la surface à l'état adulte.

Les prédateurs, à la surface du sol ou en vol, chassent à l'affût ou à la course. Le Sphegidae repère le criquet par son mouvement, l'identifie par sa silhouette et sa taille. Il le pique, le paralyse et enterre le corps après y avoir pondu. Les œufs éclosent et les larves se développent dans la proie jusqu'à la pupaison et l'émergence.

Les oiseaux effectuent parfois des migrations en rapport avec celles des acridiens, comme Falco concolor, en liaison avec Locusta migratoria capito et Nomadacris septemfasciata. Leur présence en grand nombre sur certaines stations peut révéler la présence de pullulations d'acridiens.

Quelques diptères parasites des larves et des adultes d'acridiens.

A : Symmictus costatus (Diptera, Nemestrinidae) (d'après D.J. GREATHEAD, 1958b).
1 : mâle, 2 : larve de 1er stade en vue latérale d'un Nemestrinidae, 3 : larve de 3e stade de S. costatus avec son tube respiratoire (r), c : cuticule de l'hote.

B : Blaesoxipha filipievi mâle (Diptera, Calliphoridae) (d'après D.J. GREATHEAD, 1963).

C : Ceracia dentata (Diptera, Tachinidae) (d'après R.W. SMITH & T.U. FINDLAYSON, 1950).
1 : adulte femelle, 2 : larve de 1er stade en vue latérale, 3 : larve de 3e stade en vue latérale.

D : Acridomyia canadensis (Diptera, Muscidae) (d'après D.J. GREATHEAD, 1963), femelle adulte.

Les maladies dont souffrent les acridiens sont provoquées par trois groupes d'agents pathogènes :
  – Protozoaires : grégarines, Nosema, amibes,
  – Champignons : Fusarium, Aspergillus, Entomophtora, Metarrhyzium,
  – Bactéries : Coccobacillus acridiorum, Pseudomonas, Bacillus thuringiensis.

Les œufs, les larves et les ailés sont tous susceptibles d'être contaminés.

À l'exception de Nosema, les protozoaires affectent peu la mortalité des acridiens. Les Nosema sont utilisés en lutte biologique anti-acridienne, soit seuls, soit combinés à des insecticides dont les effets se trouvent ainsi renforcés.

La contamination des acridiens par les champignons se fait par voie orale ou par contact. La germination des spores donnent des hyphes qui percent la paroi du corps de l'insecte et entraînent sa mort en quelques jours. L'acridien meurt souvent perché sur un brin d'herbe. Son cadavre se couvre progressivement d'une minuscule couche blanc-jaunâtre de conidiophores porteurs de spores. À maturité, celles-ci sont projetées avec force généralement le soir, lorsque les acridiens sont rassemblés, assurant ainsi une propagation plus facile de la maladie. Le développement n'est possible qu'en conditions chaudes et humides. Les épidémies ont une action rapide mais localisée.

L'un des champignons les plus actifs est Entomophtora grylli qui ravage périodiquement les populations du Criquet puant Zonocerus variegatus, au point d'être considéré comme l'un des principaux facteurs de limitation des effectifs de cette espèce (l'autre est un diptère : Blaesoxypha filipjevi).

A : Représentation schématique de la localisation des larves de Nématodes (de différentes familles) par rapport aux différentes parties du tube digestif, du tissu adipeux et des muscles du Criquet migrateur Locusta migratoria (d'après C. SEUREAU, 1973).
TD : tube digestif, Me : mésentéron, Il : iléon, Co : colon, Re : rectum, TA : tissu adipeux, Mu : muscles.
Pour les espèces d'une même famille, l'encapsulement des larves s'effectue de manière précise et constante dans un organe ou un tissu bien particulier de l'acridien.
Noms des différentes familles de Nématodes : Su : Subuluridae, Ri : Rictulariidae, Ph : Physalopteridae, Sp : Spiruridae, Di : Diplotraenidae, Ac : Acuariidae.

B : Gregarina garnhami, grégarine parasite dans le tube digestif de Schistocerca gregaria (d'après E.U. CANNING, 1956).
pc : plateau cilié des cellules épithéliales, ep : cellules épithéliales de l'intestin, g : grégarines fixées sur la paroi intestinale.

Parmi les bactéries pathogènes, Coccobacillus acridiorum occupe une place prépondérante. L'acridien infecté cesse de s'alimenter et de s'agiter, cherche refuge dans les buissons. Des diarrhées surviennent et entraînent rapidement la mort.

L'inventaire des ennemis naturels des acridiens peut être considéré comme bien avancé. On dispose également de quelques études précises sur les principaux agents acridophages et acridopathogènes. Il reste beaucoup à faire pour évaluer le pouvoir réel de limitation des effectifs d'acridiens de ces agents biologiques de destruction.