Écologie

7.  L'ACTION DE L'EAU

Influence de l'humidité sur le développement embryonnaire de Humbe tenuicornis (d'après P. HUNTER-JONES & J.G.LAMBERT, 1961).

A.  Au laboratoire, dans un sol humide et à 30°C, la durée de développement embryonnaire est en moyenne de 23 jours. Des œufs incubés pendant 4 (1), 6 (2) ou 13 (3) jours dans un sol humide puis transférés dans un sol sec, se déshydratent rapidement et n'éclosent pas.

B.  Des œufs incubés pendant 5 jours dans un sol humide transférés dans un sol sec pendant 10 jours, puis replacés dans un milieu humide, regagnent rapidement leurs polds normaux et éclosent au bout de 30 jours. C'est un exemple de quiescence induite par la sécheresse.

En zone tropicale sèche, le facteur hydrique est souvent le principal facteur limitant l'évolution des populations acridiennes.

L'eau revêt différentes formes : pluie, rosée, brouillard, vapeur, balance hydrique du sol. Elle exerce une influence directe ou indirecte :
  – les effets directs sont particulièrement visibles sur les œufs qui ont besoin d'absorber de l'eau dans les heures et les jours qui suivent la ponte. La taille s'accroît au moins d'un tiers après cette hydratation. Les larves et les ailés recherchent une ambiance hydrique leur permettant de satisfaire leur équilibre interne en eau. Ils sont capables de s'abreuver de gouttes de rosée. La couche externe imperméable du tégument leur permet de nager en cas de nécessité.
  – les effets indirects sont nombreux. La végétation constitue la quasi totalité de l'alimentation des acridiens. Selon que les plantes sont turgescentes ou non, les criquets équilibrent avec plus ou moins de facilité leur balance hydrique interne.

Chaque espèce a ses exigences écologiques et peut donc se montrer plus ou moins dépendante des facteurs de l'environnement mais cet apport d'eau par voie alimentaire est généralement vital pour les larves et les ailés.

La distribution des acridiens, le taux de réussite de chaque reproduction et parfois même le voltinisme sont très influencés par le facteur hydrique.

Influence de l'humidité relative et de la température sur la durée de développement embryonnaire du Criquet migrateur Locusta migratoria (d'après A.G. HAMILTON, 1950).

La durée de développement embryonnaire est d'autant plus courte que la température est plus élevée pour chacune des cinq températures expérimentées. Les développements les plus rapides sont observés pour une gamme d'humidités relatives comprises entre 60 et 70 % ; en deçà et au-dela, les vitesses de développement décroissent, ce qui montre que cette espèce est thermophile et méso-hygrophyle.

On distingue :
  – les espèces hygrophiles recherchant les milieux humides,
  – les espèces mésophiles ayant une préférence pour les milieux d'humidité moyenne,
  – les espèces xérophiles vivant dans les milieux secs.

Si certains acridiens sont très exigeants sur le plan hydrique (sténohystes), d'autres sont au contraire très tolérants (euryhystes), ces derniers sont souvent ubiquistes et leur distribution est alors conditionnée par d'autres facteurs.

Pour chaque état ou stade biologique, il existe un optimum hydrique.

En cas de sécheresse, les œufs subissent un ralentissement important ou même un arrêt de développement qui peut être une simple quiescence ou annoncer la mort de l'embryon. Un excès d'humidité est aussi néfaste, car il engendre l'asphyxie des œufs.

Les larves et les ailés réagissent aux variations d'humidité de leur milieu par des déplacements. La vitesse de développement est très affectée : elle diminue généralement plus rapidement en cas de sécheresse qu'en cas d'excès d'humidité.

Influence des pluies sur le comportement des adultes du Criquet migrateur malgache Locusta migratoria capito en saison chaude (modifié d'après M. LECOQ, 1975).

Chaque population allochtone, arrivant sur la station étudiée, est représentée par un trait dont la longueur est proportionnelle à l'intervalle de temps séparant sa date d'arrivée de celle de la dernière pluie importante (plus de 5 mm).

Les populations arrivant moins de 5 jours après une pluie, alors que le sol est encore humide, se sédentarisent et pondent sur place. Au contraire, celles qui arrivent après un délai plus long trouvent un sol trop sec et quittent presque immédiatement la station.

L'expression la plus simple est la pluviométrie. L'essentiel des apports en eau en zone tropicale sèche est fourni par les pluies. Cet élément peut donner une estimation suffisante de l'ambiance hydrique à l'échelle mensuelle.

Des conversions sont possibles en notant la teneur en eau de l'air, ou l'humidité relative au niveau du sol ou de la végétation, mais la température influe beaucoup sur la signification biologique de cette dernière expression hydrique.

La meilleure appréciation quantitative de l'environnement hydrique est le bilan hydrique du sol, c'est-à-dire la quantité d'eau disponible pour hydrater les œufs ou entretenir une végétation turgescente. Précis, le bilan hydrique nécessite de connaître avec exactitude la nature du sol, les évapotranspirations potentielle et réelle et les réserves en eau du sol.

Influence de la pluviométrie sur les déplacements des adultes du Criquet migrateur malgache Locusta migratoria capito en phase solitaire (modifié d'après M. LAUNOIS, 1974e).

Les surfaces en grisé correspondent aux zones optimales pour le développement du Criquet migrateur (pluviométrie mensuelle moyenne comprise entre 50 et 100 mm). Les flèches schématisent le sens du déplacement des ailés. On constate que ces derniers effectuent des migrations saisonnières suivant la progression de la bande pluviométrique favorable.

En zone tropicale sèche, le facteur hydrique est un facteur discriminant majeur. Ses variations ont un caractère d'autant plus imprévisible que l'on se place dans les zones de plus grande aridité.