Dynamique des populations

5.  LES DÉPLACEMENTS PAR VOL

La plupart des acridiens ailés se déplacent par vol. Les types de vol sont classés en fonction de la distance parcourue, des zones reliées ou de leur signification écologique ou éthologique (vols d'évitement, sexuel, d'errance, d'ajustement).

5.1.  LES DIFFÉRENTS TYPES DE VOL

Les appréciations selon les distances sont assez vagues :
  – vol à courte distance : quelques mètres à quelques centaines de mètres,
  – vol à moyenne distance : quelques centaines de mètres à quelques kilomètres,
  – vol à grande distance : quelques dizaines de kilomètres à quelques centaines de kilomètres (exceptionnellement, des milliers).

Les vols à courte distance permettent des déplacements au sein d'une même station : il s'agit donc de mouvements intrastationnels. Les vols à moyenne et à longue distances relient des stations écologiques différentes, on parle alors de mouvements interstationnels, intrarégionaux ou interrégionaux.

Les vols d'évitement sont observés en cas de dérangement, les vols sexuels lors de la recherche du partenaire, les vols d'ajustement sont déclenchés le plus souvent par la fuite devant des conditions locales momentanément défavorables (alimentation pauvre, sécheresse, température inadéquate), parfois pour la recherche de conditions d'environnement plus favorables. Les vols erratiques, sans but apparent, au hasard des vents, sont inscrits dans le comportement normal de nombreuses espèces d'acridiens.

5.2.  LES DISTANCES PARCOURUES

Les distances parcourues par les ailés des espèces migratrices sont connues grâce à des opérations de capture – marquage – lâcher – recapture et à des dépistages par radar. Le Criquet migrateur africain Locusta migratoria migratorioides parcourt souvent des distances de 300 à 400 km, à une vitesse moyenne de 35 km/h et des pointes de 65 km/h. La plupart des espèces se déplacent entre 400 et 1500 m d'altitude, mais certaines d'entre elles comme le Criquet pèlerin Schistocerca gregaria montent fréquemment jusqu'à 1800 m, voire 3000 m.

Des recensements effectués simultanément en diverses zones de l'aire d'habitat d'une espèce fournissent des preuves de déplacements massifs : des populations disparaissent brusquement d'une région pour réapparaître peu de temps après dans une autre. Des aires de reproduction saisonnière sont fréquemment séparées de plusieurs centaines de kilomètres. Chez le Criquet pèlerin, on distingue une aire de reproduction hivernale et printanière à l'extrême ouest du Pakistan et une aire de reproduction estivale dans l'est du Pakistan et l'ouest de l'Inde.

5.3.  DES DÉPLACEMENTS SAISONNIERS

En Afrique de l'Ouest, une grande partie des acridiens se déplace saisonnièrement entre le sud de la zone soudanienne et le nord de la zone sahélienne. Les criquets vont se reproduire vers le nord à l'apogée de la saison des pluies, et se réfugient dans le sud en saison sèche, désertant les zones septentrionales trop sèches. Ces déplacements sont facilités par les mouvements saisonniers du front inter-tropical.

Exemple de déplacements par vol à grande distance chez le Criquet migrateur malgache Locusta migratoria capito, en phase solitaire. Campagnes de marquages-recaptures réalisées en 1960, 1965 et 1966 (établi d'après les données de J.P. TÊTEFORT, P. DECHAPPE & J.M. RAKOTOHARISON, 1966 et J.P. TÊTEFORT, 1966, in LECOQ 1975).

Les cercles noirs indiquent les stations où plusieurs millions d'adultes ont été marqués à la peinture. Des marques différentes permettent de caractériser chaque lieu de marquage. Des recaptures systématiques ont été réalisées dans l'ensemble du Sud-Ouest de l'Ile. Les flèches schématisent l'ampleur des deplacements des criquets marqués et recapturés en dehors de leur zone de marquage (chacune d'elle correspond à un individu). Certains acridiens ont effectué plusieurs centaines de kilomètres.

Les flèches blanches correspondent aux adultes de la 3e génération (R3) qui se déplacent plutôt vers le Sud et les flèches noires à ceux de la 4e génération (R4) qui se déplacent plutôt vers le Nord. Les chiffres indiquent les distances parcourues.

Dans leur ensemble, les déplacements des ailés doivent être considérés comme des réponses adaptatives à l'instabilité de l'environnement. Du fait de l'alternance régulière d'une saison sèche et d'une saison des pluies et de l'orientation des vents dominants, ces déplacements ont lieu chaque année selon un schéma ressemblant. Des modalités différentes surviennent en fonction des conditions particulières pluviométriques et aérologiques. Ces déplacements sont assimilables à des migrations saisonnières.

Les déplacements par vol peuvent modifier la densité locale d'une population d'un coefficient de 10-3 à 103. Il s'agit d'un élément important de dynamique des populations pour comprendre l'évolution de ces ravageurs et organiser la lutte en conséquence.