Écologie
10. L'ACTION DE LA VÉGÉTATION
Variation du taux d'accroissement pondéral des imagos femelles du Criquet migrateur malgache Locusta migratoria capito durant les 12 premiers jours de vie imaginale en fonction du régime alimentaire (d'après M.H. LAUNOIS-LUONG, 1975).
Toutes les espèces végétales expérimentées sont communes dans les habitats naturels du Criquet migrateur dans le Sud-Ouest malgache. Il s'agit de : Aristida congesta barbicolis, Cenchrus ciliam, Cynodon dactylon, Eragrostis cylindriflora, Heteropogon contortus, Hyparrhenia rufa et Panicum pseudovoeltzkowii.
Les 7 graminées expérimentées sur les imagos en conditions semi-naturelles sont réparties en 3 catégories : Eragrostis c., Cynodon d. et Aristida c.b. sont très favorables à la prise de poids des femelles. Heteropogon c., Panicum p. et Cenchrus c. constituent un groupe moyennement favorable et Hyparrhenia r. paraît avoir des qualités alimentaires médiocres.
Des expériences complémentaires ont montré que les effets de ces graminées sur la fécondité des femelles conduisaient à des conclusions similaires.
Les acridiens trouvent dans la végétation, abri, perchoir, nourriture. Trois facteurs de différenciation interviennent dans la perception du tapis végétal :
– sa composition floristique (espèces végétales présentes),
– sa structure (pelouse, prairie, savane, steppe, forêt),
– son état phénologique (germination, feuillaison, floraison).
La végétation en tant qu'abri joue un grand rôle pour les espèces douées d'un comportement de dissimulation. Ochrilidia geniculata se cache à la moindre perturbation dans les touffes denses de Panicum turgidum ; Catantops axillaris tourne autour des tiges dans le sens opposé à l'approche de la perturbation et se dissimule aussi dans les chaumes à terre.
Le tapis végétal offre en outre des conditions de vie différentes du milieu ambiant, à micro-échelle. L'acridien y trouve généralement une température et une humidité relative différentes, des alternances de plages d'ombre et de soleil, un abri contre le vent ou la pluie, des supports pour la rosée qu'il lui arrive de boire à l'aube.
Le rôle de perchoir est plus ou moins important pour les espèces selon que celles-ci préfèrent être au sol (géophiles) ou dans la végétation (phytophiles), sur les plantes basses (herbicoles) ou dans les arbres (arboricoles). Dans tous les cas, les criquets se perchent pour effectuer toutes leurs mues, sauf la première à l'éclosion (mue intermédiaire) qui a lieu au sol.
Des espèces comme Nomadacris septemfasciata utilisent les perchoirs pour s'ajuster aux variations journalières de lumière, de température et d'humidité. Elles grimpent dans les hautes herbes le soir, passent la nuit au sommet, redescendent dans la matinée et se cachent aux heures les plus chaudes dans la végétation pour remonter sur les plantes en fin d'après-midi. Anacridium melanorhodon est si étroitement adapté à l'emploi de perchoirs qu'on ne le trouve que très rarement là où ceux-ci sont absents.
Le rôle le plus évident de la végétation est de servir de nourriture. Souvent les mêmes plantes
tiennent lieu d'abri de perchoir et de nourriture. Certains acridiens sont oligophages, d'autres
polyphages. Poekilocerus hieroglyphicus, par exemple, est un oligophage consommant
essentiellement des Asclépiadacées.
La quantité et la qualité de l'alimentation influencent les caractéristiques de croissance des populations d'acridiens : la natalité, la mortalité et, à la limite, la dispersion, en sont affectées. Les variations saisonnières de valeur nutritive des végétaux consommés sont importantes en zone tropicale sèche. Elles renforcent souvent les effets des autres facteurs écologiques tels que la température ou les pluies.
Dans une formation basse, clairsemée, les criquets vivent pratiquement dans un espace à deux dimensions alors que dans une prairie dense ou une savane haute, ils évoluent dans un espace à trois dimensions plus ou moins cloisonné. Les conséquences sont importantes. Plus les contacts seront faciles et plus la grégarisation des espèces sensibles à la densation a de chances de se produire. Le cas inverse renforce la solitarisation. Le Bbio-volume est donc un aspect particulier du tapis végétal à considérer pour les espèces grégariaptes, en tant que facteur de densation ou de dilution des effectifs.
Distribution des imagos d'Oedaleus senegalensis en fonction du pourcentage de parties vertes du tapis végétal dans trois types de milieux de xéricité croissante (modifié d'après M. LAUNOIS, 1978a).
La fréquentation la plus élevée des imagos d'Oedaleus senegalensis est réalisée quand la végétation comprend
20 à 30 % de parties vertes dans les milieux à xérotrophie faible (1) 50 à 60 % de parties vertes dans les milieux à xérotrophie moyenne (2) et 20 à 90 % de parties vertes dans les milieux à xérotrophie forte (3).
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