Éthologie

6.  LE COMPORTEMENT DE VOL

Le comportement de vol se décompose en trois phases importantes :
  – l'envol ou décollage,
  – le vol,
  – l'atterrissage.

6.1.  L'ENVOL

Une des conditions préliminaires au vol est l'acquisition d'une tendance à l'envol sur le plan psychophysiologique qui se révèle dans des circonstances de luminosité particulières. Les vols spontanés des locustes en phase solitaire sont rares dans la journée, même si les conditions aérologiques, la température et l'humidité relative sont favorables. Les vols ont lieu très souvent en début de nuit.

Cette tendance à l'envol varie au cours de la vie. Elle est très faible juste après la mue imaginale, puis atteint un maximum en début de vitellogenèse chez les femelles. On observe des fluctuations périodiques en fonction du rythme de ponte : elle décroît au moment de la ponte, est maximale en période d'interponte.

L'envol est effectué face au vent, pour bénéficier de l'effet de portance.

6.2.  LES DIFFÉRENTS TYPES DE VOL

Les vols typiques sont à distinguer des vols particuliers :
  – vol plané,
  – vol stationnaire,
  – vol tendu,
  – vol en chandelle.

A : Mouvement des ailes gauches du Criquet pèlerin Schistocerca gregaria, pendant un vol horizontal (d'après T. WEIS-FOGH, 1973).

17,5 battements par seconde, vitesse de l'air : 3,5 m/s.
Positions successives correspondant à 18 photographies prises à intervalles de temps égaux, depuis le numéro 1 qui indique la position la plus élevée des ailes antérieures.

B : Battement alaire standard de Schistocerca gregaria (d'après T. WEIS-FOGH, 1956).

Post : position de l'aile membraneuse, Ant : position de l'élytre.
En abscisse : le temps en millisecondes.
En ordonnée : angle de l'aile en radians par rapport à la verticale (1 radian = 57,3 degrés).

Le vol typique, soutenu, dû aux battements réguliers des élytres et des ailes, peut se faire dans le sens du vent si la vitesse de l'acridien est inférieure à celle du vent.

L'ailé adopte une posture caractéristique : tout son corps fait un angle aigu avec l'horizontale. Les antennes sont rigides et pointées vers l'avant. Les pattes antérieures sont repliées vers l'arrière et appliquées contre les côtés du pronotum. Les pattes moyennes sont étendues et disposées de part et d'autre de l'abdomen. Les pattes postérieures sont tendues vers l'arrière ou repliées le long de l'abdomen.

Le vol plané est observé dans les essaims. Il est intermittent ou continu selon les cas. Sa durée varie de quelques secondes à quelques heures. Les acridiens se comportent alors comme des planeurs utilisant les courants ascendants pour compenser leur vitesse de descente par gravité qui est de l'ordre de 1 mètre par seconde.

Le vol stationnaire a lieu juste avant l'atterrissage ou dans les séquences de parades sexuelles. Les pattes antérieures sont dépliées, étendues vers l'avant. Dans le cas de la recherche d'un partenaire, il est accompagné de stridulations (vol stridulant) . L'acridien s'élève à un ou deux mètres du sol et vole sur place pendant quelques secondes.

Le vol tendu est déclenché par une perturbation. Il commence par un saut, suivi d'un vol rapide, se termine en vol plané, entrecoupé de quelques brefs battements d'ailes. Les déplacements sont courts, de l'ordre de quelques mètres. La hauteur atteinte est faible : moins de un mètre. Le vent infléchit souvent la trajectoire en arc de cercle. Un décollage contre le vent est suivi d'un demi-tour si le vent a une vitesse supérieure à celle du criquet (10 à 20 km/h).

Un autre type de vol d'évitement, le vol en chandelle, a été décrit en détail chez les ailés solitaires de Schistocerca gregaria. Un criquet dérangé à plusieurs reprises par un observateur s'élève verticalement jusqu'à dix mètres de haut, effectue plusieurs lignes brisées, puis continue en vol horizontal avant de replier brusquement ses ailes et de tomber la tête la première. Tout près du sol, les ailes s'ouvrent à nouveau pour l'atterrissage. Ce vol permet de déconcerter des prédateurs comme les oiseaux.

Orientation des vols d'évitement du Criquet migrateur Locusta migratoria, en fonction de la direction et de la force du vent au moment de l'envol (d'après M. LECOQ, 1975).

Les cercles ont un diamètre proportionnel à la force du vent exprimée selon l'échelle de Beaufort (de 0 au centre à 8 pour le cercle extérieur). Les nombres expriment le total des vols observés dans une direction donnée pour un vent de force égale à celle du cercle correspondant. Les secteurs noirs ont un rayon proportionnel au nombre total des vols observés dans une direction donnée.

La majorité des vols (80 %) s'effectue sous le vent.

6.3.  L'ATTERRISSAGE

L'atterrissage se fait contre le vent, pour cette fois bénéficier de l'effet de frein. L'acridien se retourne s'il n'est pas en bonne position, étend ses ailes et ses pattes antérieures, plane un peu et réduit sa vitesse en modifiant l'orientation de ses ailes. Le déclenchement de cette séquence dépend des facteurs externes comme la baisse de la température ambiante, les effets des courants descendants, et d'un choix délibéré de l'insecte qui a perçu la proximité de végétation verte, d'un sol humide, de cultures turgescentes ou de tout autre élément attractif.