Le polymorphisme phasaire
8. LES INVASIONS GÉNÉRALISÉES
Extension de l'invasion du Criquet migrateur africain Locusta migratoria migratorioides ayant débuté en 1928 (d'après A. BATTEN, 1966).
L'aire grégarigène d'où est partie l'invasion du Criquet migrateur africain, en 1928, est figurée en noir. La progression, tant chronologique que géographique, de cette invasion a été établie d'après les renseignements collectés sur les formations grégaires les plus importantes. Récemment, on a pensé que la cuvette centrale du Mali n'était sans doute pas la seule zone où ont eu lieu les premières pullulations et que la cuvette du lac Tchad aurait bien pu renforcer les effectifs grégaires car les conditions de transformation phasaire y étaient également réunies. Une troisième zone située au Soudan a été aussi suspectée de contribuer à la grégarisation de ce locuste.
Ainsi, ce serait. peut-être, plusieurs zones grégarigènes réparties dans l'ensemble du Sahel et sous les mêmes dépendances climatiques qui seraient a l'origine de ces invasions généralisées.
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Une invasion acridienne est dite généralisée lorsque des pullulations et des grégarisations
couvrent l'ensemble d'un pays ou plusieurs domaines écologiques continentaux. On trouve alors en tous lieux des acridiens en grand nombre provoquant des dégâts sévères sur les cultures, les pâturages et la végétation naturelle.
Le déclenchement d'une invasion généralisée ne se réalise pas au cours d'une seule année, à
moins d'un enchaînement exceptionnel de circonstances. En général, des pullulations locales se produisent de manière éparse. Elles sont suivies de grégarisation chez les locustes et les bandes larvaires, puis les essaims d'ailés qui en résultent, échappent en tout ou partie aux opérations de lutte. Ces formations grégaires infestent alors des régions entières et, sous réserve de conditions écologiques favorables, donnent lieu à une descendance nombreuse avec un taux de multiplication de 5 à 20. La généralisation des pullulations porte donc sur plusieurs années.
Lorsque le fléau acridien n'a pû être enrayé à son début, il prend une dimension différente du fait de trois raisons essentielles :
– les formes grégaires, étant plus résistantes, sont capables d'occuper des aires géographiques considérablement plus vastes,
– la grégarisation s'entretient plus facilement d'elle-même qu'elle ne s'arrête. En d'autres termes, le maintien de l'état grégaire suppose des conditions d'environnement plus banales que le passage de la phase solitaire à la phase grégaire,
– l'arrêt de l'invasion exige des conditions aussi exceptionnelles que le déclenchement. Ceci explique la durée des périodes d'invasion et de rémission complètes (4 invasions généralisées du Criquet pèlerin en 50 ans).
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Développement de la dernière grande invasion de Nomadacris septemfasciata de 1930 à 1945 (d'après V. MORANT, 1947).
Variations annuelles de la distribution géographiques des essaims (zones hachurées) et des aires infestées par des pullulations de larves et leur descendance.
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En réalité, les départs d'invasion comme les débuts de rémission correspondent le plus souvent à des circonstances d'environnement particulières. En revanche, on peut considérer que le maintien en phase de pullulation (ou de rémission) est une situation dans laquelle les effectifs demeurent relativement constants, ce qui laisse supposer un certain équilibre dynamique entre les acridiens et les caractéristiques de leurs environnements.
Deux hypothèses ont, par ailleurs, été émises pour expliquer la genèse des invasions acridiennes : l'une évoque le passage de la phase solitaire à la phase grégaire, l'autre la relance
de la grégarisation à partir d'individus grégaires résiduels. Il ne faut pas oublier, en effet, qu'il est plus difficile d'organiser une lutte curative efficace qu'une lutte préventive et que l'on n'est jamais sûr d'avoir détruit toutes les formations grégaires dangereuses. Dans la réalité les deux causes se complètent probablement dans le sens où l'une et l'autre existent mais leurs effets dobvent être variables en fonction des situations.
Historique de la dernière grande invasion de Schistocerca gregaria de 1949 à 1963 (d'après Z. WALOFF, 1966).
Chaque carte indique la distribution des pullulations larvaires (zones noires) durant les six premiers ou les six derniers mois de l'année. Les aires de grégarisation sont encerclées.
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Enfin, il ne faut pas oublier que le terme "invasion généralisée" n'est pas réservé aux locustes. On l'emploie aussi dans les cas de pullulations exceptionnelles de sauteriaux, espèces peu ou pas grégariaptes, car les pullulations peuvent en certaines circonstances concerner des régions très vastes : ce fut le cas par exemple de toute la zone sahélienne d'Afrique de l'Ouest en 1974
et 1975.
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